Interview de Céline Hamel, responsable formation après-vente au sein de la Mercedes Benz Academy.
Interview réalisée par Willem Rodier, cofondateur de flowbow.
Céline, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Céline Hamel, je travaille actuellement chez Mercedes Benz France au sein de la Mercedes Benz Academy. Je suis responsable formation pour le réseau, c’est-à-dire tous les distributeurs et réparateurs agréés qui sont affiliés à Mercedes-Benz.Pour parler un peu plus de mon parcours, je suis psychologue sociale avec une spécialisation en pédagogie des adultes. J’ai appris comment apprendre aux adultes, à l’époque où tout était basé sur le présentiel.En parallèle de mes études, j’ai travaillé chez Renault sur la formation pour les nouveaux entrants et la gestion de carrière.
Peux-tu nous présenter la Mercedes Benz Academy ?
Au sein de la Mercedes Benz academy, nous formons uniquement les personnes du réseau. La MBA (Mercedes Benz Academy) accueille 12 000 stagiaires. Nous avons à ce jour 450 références de stages (40% physique et 60% digital).
Nous sommes plusieurs responsables formation organisés par activité. Il y a également un pôle de gestion des formations, qui va mettre en musique tout ce que nous pouvons définir stratégiquement en termes de formation avec par exemple la gestion du LMS, la gestion des inscriptions aux formations….Dans notre organisation, nous proposons un catalogue de formations et les personnes présentes dans le réseau vont aller sur le LMS où ils s’inscrivent eux-même aux formations.
Comment la crise du Covid a-t-elle affecté ton activité ?
C’est vrai que c’est un véritable défi puisque notre priorité pédagogique se fait principalement en présentiel. Avant la crise nous étions à 70% de présentiel et 30% de digital, principalement du e-learning en asynchrone, très peu de classe virtuel.
Nous avions déjà comme objectif de passer en mode blended learning avant la crise, et de faire évoluer ces chiffres là. Nous avons été confrontés à plusieurs défis durant cette crise.
Tout d’abord le “mindset” (NDLR : la mentalité) et pouvoir rapidement changer celui de tout le monde. Et en premier lieu, modifier le mindset de notre réseau : les apprenants, les managers, et les investisseurs.Au départ, la situation sanitaire a eu un effet positif, tout le monde a pris conscience que l’on ne pouvait pas avancer sans faire de distanciel. Le principal challenge a été de modifier cet état d’esprit du “c’est pas mal mais ce sera bien quand on retournera au présentiel”.La crise a donc accéléré certains sujets mais il y a encore quelques freins.
L’autre défi a été notre montée en compétences puisque nous sommes spécialisés dans le présentiel. Pour les responsables formation, il a fallu apprendre à passer d’un module en présentiel à du blended ou des modules complètement à distance.
Pour les formateurs techniques, qui doivent montrer et apprendre concrètement à des techniciens comment réparer tel élément ou faire un diagnostic, il a fallu apprendre à faire ce type de tâche à distance.Nous nous sommes vite rendu compte, que dans un domaine aussi spécialisé que l’automobile, nous avons tendance à rester dans cette zone de confort qu’est le présentiel. Le grand challenge du moment par exemple c’est de pouvoir motiver les apprenants. Nous avons su transformer des formations présentielles en blended ou avec du e-learning, mais pour moi, un des challenge c’est l’accompagnement des apprenants sur ces modules à distance.
Pour te donner un exemple concret, nous avons lancé un module e-learning, avec un sujet attendu par de nombreuses personnes. Nous nous sommes rendu compte qu’une centaine de personnes étaient inscrites à ce e-learning, mais seulement quelques personnes l’ont réellement terminé.Ça rejoint le mindset mais nous n’arrivons pas nécessairement à comprendre ce qui bloque, si c’est un problème technique, un problème d’équipement (PC dédié aux formations, une salle au calme pour pouvoir suivre les modules, un casque, des écouteurs…).Sur les modules e-learning, les apprenants ont plus de liberté, plus de temps pour le faire et donc ne le priorisent pas nécessairement. Les vendeurs ont des objectifs de vente, les techniciens ont des objectifs de productivité à l’atelier, un conseiller service va avoir des rendez-vous avec le client, chacun doit donc trouver un créneau pour le réaliser.
Qu’est ce que tu as mis en place pour répondre à ces sujets là ?
Avec l’arrivée de la crise on a expérimenté de nombreuses choses. Par exemple, nous avons mis en place un “studio lab”, comme un plateau TV qui a été utilisé par mes collègues du marketing pour s’adresser aux clients.
Nous, en tant que responsable formation, nous l’avons également utilisé pour parler de l’arrivée de nouveaux véhicules électriques aux conseillers service par exemple.Cet outil nous a permis d’avoir plus de 70 apprenants par session qui se connectent en direct et qui peuvent poser des questions dans le chat. C’est un test validé puisque nous continuons à l’utiliser à ce jour.Mes collègues ont également expérimenté des classes virtuelles sur l’aspect technique c’est-à-dire montrer concrètement des manipulations sur le véhicule soit en direct, soit en tournant des petites vidéos pédagogiques en amont avec un debriefing en petit groupe par la suite.
Comment as- tu adressé le sujet du mindset ? Est ce que tu as des conseils pour transformer les états d’esprit chez vous et chez vos clients ?
Ce qui intéressant c’est que ce côté “change management” peut venir de différentes personnes et de différents profils. Il est venu de mon côté car j’ai cette vision de pédagogie des adultes à travers ma formation.
Je ne suis pas spécialisée dans un certain domaine donc c’est assez facile pour moi d’avoir cette ouverture d’esprit sur les pratiques, sur comment faire. Concrètement, l’idée c’est de partager mon expérience de la pédagogie, et de proposer des formations adaptées.
Pour moi c’est important, à chaque problème que l’on rencontre de se poser les bonnes questions pour avancer, d’avouer que l’on ne sait pas nécessairement faire et donc de regarder autour de soi pour s’accompagner. Je pense que, dans mon activité, peu importe ce qu’il se passe, du moment que l’on est bien accompagné tout peut fonctionner.
Peux-tu nous donner deux astuces : une astuce pour convaincre les formateurs et pour convaincre les apprenants ?
Ce que je donnerai comme conseil pour les formateurs, c’est de dire « on expérimente », « on se jette à l’eau », avec une vraie démarche de test et on voit si ça fonctionne ou non. Il faut les impliquer, leur demander ce qui est envisageable pour eux, leur demander quel thème ils aimeraient aborder, de combien de temps ils auraient besoin pour le préparer….
Je n’ai pas exactement trouvé une astuce pour les apprenants. Mais ce que je peux te dire c’est que nous sommes en phase de test sur ce sujet. Nous essayons de trouver les axes que l’on pourrait améliorer pour motiver davantage les apprenants pour le e-learning ou les classes virtuelles.
En terme de motivation et de communication, nous sommes en train de tester deux méthodes : Une méthode très encadrante qui oblige les personnes à réaliser les modules e-learning pour pouvoir accéder à la classe virtuelle. Et une autre méthode basée sur le renforcement positif avec un mail de félicitations pour les personnes ayant complété le e-learning en amont.
Un dernier mot ?
Je me suis rendue compte avec la crise que nous traversons que le e-learning et les classes virtuelles sont des outils qui sont finalement plutôt contraignants par rapport au présentiel où pendant 2 jours on suit un programme avec un fil rouge…Par contre, pour certains objectifs, le e-learning et les classes virtuelles sont idéales et permettent de faire des activités très créatives, que l’on n’aurait pas nécessairement pu faire en présentiel. Ça a été une vraie révélation cette puissance créative des formations à distance.