Interview réalisée par Willem Rodier, cofondateur de Flowbow, suite au projet mené avec notre client RIVP.
Tout d’abord, pouvez-vous présenter la RIVP ?
Guillaume : La RIVP est un bailleur social parisien qui existe depuis presque 100 ans. L’actionnaire principal est la ville de Paris. Nous avons une grande présence sur le terrain grâce à nos gardiens d'immeubles. La RIVP compte environ 1200 salariés, et gère près de 60 000 logements sociaux situés principalement sur le territoire parisien et en proche couronne, dont 6000 logements foyers. La RIVP héberge et accompagne, également plus de 1 200 entreprises : startups, PME industrielles, artisans, centres de recherche, écoles.. grâce à ses 200 000m2 de locaux commerciaux. Nous participons à la mixité sociale sur le terrain en développant des programmes permettant de faire vivre ces lieux. Nous aidons des locataires en fragilité d’accès à l’éducation, à l’administration sociale et autres, en les accompagnant au moment de l’intégration.
Wally : Nous avons également 2 filiales, HENEO et HSF qui sont aussi sur le même secteur d’activité. La RIVP à pour principales missions de contribuer à développer l’offre du logement social et intermédiaire à Paris et à offrir une meilleure qualité de service aux locataires.
Wally, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
W : Je suis responsable de formation à la RIVP depuis 2014, je m’occupe de la formation professionnelle de tous les collaborateurs RIVP. Je suis en charge de la construction du plan de développement des compétences, jusqu’à sa mise en place et son déploiement. Nous avons un volume d’environ 20000 heures de formation par an et nous formons entre 2000 et 2500 stagiaires. Notre taux d'accès à la formation en 2021 était de 58%.
Guillaume, pouvez-vous également vous présenter rapidement ?
G : Je suis responsable de la maîtrise d’ouvrage pour la Direction de la gérance (soit project manager). Ma mission est de professionnaliser la demande auprès de l’informatique. J’aide nos différents métiers dans l’expression de leurs besoins et dans la conduite du changement. J’assiste également Wally sur la partie projet, en participant à la création des parcours de formation.
Parlons désormais du projet que vous avez mené quant à l’intégration d’une population centrale chez vous : les chargés d’attribution. Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer l’importance de ces derniers, leurs missions ainsi que le contexte initial ayant provoqué ce projet ?
G : Tout d’abord, un chargé d'attribution est un employé administratif qui traite toutes les demandes de logement qui nous sont envoyées soit par nos réservataires (propriétaires), soit par nos locataires. Dans ce cas, les chargés d’attributions aident les locataires dans la constitution des dossiers en contrôlant la présence des documents nécessaires. C’est une fonction très contrôlée par l'État pour éviter des abus et garantir une attribution juste à tous les candidats. Les chargés d’attribution doivent respecter un process très normé, gérer les frustrations de certains, convaincre nos candidats. Le dossier est ensuite examiné par la commission d’attribution, composée des représentants des locataires et de maires d’arrondissement. À la RIVP, les chargés d’attributions sont une population importante car elles nous permettent de reloger très rapidement des candidats (qui peuvent attendre en moyenne 10 ans sur Paris) dès qu’un logement se libère. Sur ce poste, nous avions beaucoup de turnover, un manque d’uniformité des pratiques et d’harmonie dans le traitement des dossiers. Aujourd’hui, nous comptons 25 personnes sur ce poste, tous centralisés, l’objectif étant que la durée de vacance de nos locations soit la plus réduite possible. Leur rôle est crucial car sans eux, nos logements seraient vides.
W : À la RIVP, l’intégration est un enjeu stratégique important : bien intégrer un collaborateur, c’est s’assurer qu’il va rester. Concernant les attributions, les collaborateurs étaient, auparavant, réparties par Directions territoriales, c’est-à-dire en fonction de la localisation de nos logements. Elles étaient réparties en 3 grandes Directions : sud, centre et Nord. En janvier 2022, elles ont été réunies en une seule et même Direction : la Direction des Politiques d'Attributions qui est située au siège.
En quoi l’onboarding et l’intégration des chargés d’attribution posaient problème ?
W : Suite à la mise en place de la nouvelle organisation, le métier des chargé(e)s d'attributions a évolué. Ce changement a eu un impact sur les pratiques professionnelles au quotidien et parallèlement à cela, s'ajoutait une évolution de la réglementation. Nous nous sommes donc rendu compte qu’en embauchant de nouvelles personnes nous devions former, non seulement les nouveaux arrivants aux process RIVP, mais aussi les collaborateurs déjà en place aux process existants, afin d'harmoniser nos pratiques professionnelles.
G : En effet, certaines personnes étaient déjà en poste depuis quelques années et il nous arrivait d’entendre “moi j’ai toujours fait comme ça”. Nous avons donc dû revoir les procédures métier pour offrir cette même qualité de service, peu importe la mairie ou le candidat. Nous avons revu le parcours de formation intégral, les process outils et les règles métiers. Le fait d’avoir fusionné les trois a, en partie, répondu à notre problème de turnover, de dysfonctionnement et d’harmonisation. La méthode a donc été la suivante : les réunir, retravailler l’intégration des nouveaux arrivants et appliquer ces mêmes méthodes aux personnes déjà en place afin d’uniformiser les pratiques.
Quel était votre point de départ en termes de pratique d’onboarding ?
G : Initialement, nous demandions au formateur interne de former le nouvel arrivant sur un à deux jours. Puis, nous le formions directement à l’outil en lui montrant tous les process de façon successive. C’est la DSI qui avait la main sur la formation et elle se limitait à une formation procédurale.
W : C’est effectivement là que réside la difficulté : il n’y avait pas de lien entre les process métiers et les outils informatiques. Jusqu’à maintenant, les formations sur l’outil étaient faites par manipulation informatique. L’enjeu était donc de faire le lien entre le monde du terrain et la formation sur l'outil informatique de gestion locative.
Quels étaient les objectifs du projet sur lequel nous avons travaillé ensemble ?
G : Redonner du sens à ce parcours de formation. Uniformiser les pratiques et surtout accompagner le nouvel arrivant pour qu’il se sente bien à la RIVP et qu’il reste ! Avec Flowbow, nous avons donc revu la grille de compétences, avec différents niveaux, afin de lui donner des perspectives. L’idée, lorsqu'on recrute quelqu’un, est de l’informer qu’un parcours de formation existe, qu’il va devenir professionnel chez nous, acquérir des compétences reconnues dans son secteur, mais qu’en restant chez nous, il va pouvoir continuer à se développer. C’est précisément là que réside le sens du projet. Nous avons donc mis en place un vrai parcours de formation centralisé avec des modules mixtes, en s’attardant sur le sujet de l’onboarding pour nous permettre d’amener une personne novice à un niveau confirmé. De cette façon, nous élargissons également notre champ de recrutement : au lieu de recruter quelqu’un qui connaît parfaitement le milieu de l’immobilier, nous pouvons recruter quelqu’un qui a envie de travailler et qui s'intéresse à l’immobilier. Nous avons donc défini les modules que nous voulions développer avec Flowbow et nous avons mis en place 2 modules e-learning complétés par des exercices terrain. Nous avons étalé dans le temps les différentes tâches et étapes. À présent, nous envoyons les modules de e-learning au nouvel arrivant pour qu’il puisse monter en compétences, à son rythme, sur les outils informatiques. À chaque fin de module, nous avons mis en place des travaux pratiques, des questions réponses et des questions métier. Cela nous permet d’être plus flexible en termes de temps.
Quels sont les points positifs qui ressortent de ce type de projet ?
G : Il y a plusieurs externalités positives. Premièrement, ce projet nous a donné pleins d’idées. Désormais, lorsque l’on nous fait remonter un point, nous nous demandons comment faire autrement pour améliorer la situation actuelle, toujours en suivant ce même principe. Par exemple, il est arrivé que l’on nous fasse remarquer qu’il existe trop d’outils à la RIVP. Avec Wally, nous avons donc essayé de compléter ce parcours par une présentation générique de tous les outils, que nous avons ensuite présenté à tous nos administratifs au siège, dans le but de faciliter l’onboarding.
W : En effet, cela nous a permis de voir que les collaborateurs de la RIVP n'ont pas une vision macro des outils et de leurs interactions. Raison pour laquelle nous avons décidé de leur proposer un visuel des outils existants et leur fonctionnement pour ensuite pouvoir continuer à déployer des actions de formation qui sont liées à leur parcours d’intégration.
Y a-t-il d’autres points que vous retenez comme très positifs sur ce projet ou son déroulement ?
G : Pour ma part, ce projet m’a aidé à me former car je ne suis initialement ni RH, ni formateur. Aussi, les échanges que nous avons eu ont alimenté ma curiosité sur vos outils. Maintenant, j’essaye d’innover sur la façon dont j’enseigne.
W : Ce projet m'a permis de comprendre la nouvelle organisation de cette nouvelle Direction, les compétences attendues.
Avez-vous rencontré des défis ou difficultés lors du déroulement du projet (résistances internes, problèmes d’organisation, etc.) ?
G : Ça n’a effectivement pas été évident de mener ce projet au moment de la réorganisation du métier. Revoir les process métiers et redéfinir le parcours de formation nous a ralenti dans cette démarche car ce n’était pas la priorité du métier. Autre point, le public que l’on forme montre parfois de la résistance donc il y a un peu de conduite au changement pour réussir à les convaincre et les intéresser. Pour eux, ces étapes de formation étaient un moment propice à l’expression de leur mécontentement. La difficulté était donc de ne pas laisser la situation déborder pour continuer à former les apprenants, leur expliquer l'intérêt de revoir les parcours, et ce, en limitant les frustrations.
Y a-t-il des conseils ou astuces vous ayant permis de faire face à ses difficultés ?
W : Sur les attributions, les évolutions réglementaires montrent qu’effectivement la réglementation a un impact important et que cela est indépendant de la RIVP. L'appui du terrain est important pour concevoir un parcours adapté.
G : L’appui du management quant aux décisions nous a également aidé. C’est plus facile de former quelqu’un quand les règles que prend la Direction sont bien définies. Aussi, il est important d’aller voir régulièrement le métier, sur le terrain, pour créer un lien et s’assurer, de façon continue, qu’ils voient l’utilité de ce qui a été enseigné. Cela prend parfois du temps et quelques personnes sont plus réfractaires que d’autres mais c’est en arrivant à convaincre le collectif qu’elles finissent par être, elles aussi, convaincues.
Y a-t-il d’autres éléments que vous aimeriez communiquer à des lecteurs qui seraient Responsables de formation, Chargé(e)s de projet ou autres, dans un environnement similaire, qui pourraient générer ce même type de projet ?
G : Oui, nous ne l’avons pas fait sur les attributions mêmes mais, par exemple, sur des sujets plutôt lourds, la gamification nous a été d’une réelle aide. Nous avons mis en place des petits challenges entre équipes afin de pallier l’ennui potentiel. Finir par un jeu tel qu’un quizz, notamment avec Klaxoon, permet de re-concentrer les apprenants sur le sujet. Grâce à l’aspect évaluatif, les apprenants se sentent challengés. Ce mécanisme les incite à s’intéresser au sujet.