Nouvelles pratiques RH

« Comment j’ai mis en place un accord novateur sur le CPF en entreprise »

Interview de Pierre, DRH de Unow

Interview réalisée par Willem, cofondateur de flowbow.


Ce mois-ci, j’ai eu l’opportunité d’interviewer une « voix » RH que j’avais beaucoup entendue, vue, lue au détour du Slack du Lab RH, ou d’un article sur Linkedin : Pierre Monclos, DRH et expert du Digital Learning de Unow. A l’aise dans l’exercice, il est revenu sur un projet autour du CPF que nous trouvions assez novateur chez flowbow. Une occasion aussi de découvrir ce que « entreprise apprenante » signifie au quotidien dans une start-up française. Bonne lecture !

Bonjour Pierre, merci de te prêter au jeu de l’interview. D’abord, peux-tu présenter Unow en quelques mots ?

Pierre : Bonjour Willem, bien sûr. Unow est l’organisme spécialiste des formations à distance depuis 2013. Notre mission est d’améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la formation, grâce à une pédagogie à la fois digitale et humaine. Nous proposons des formations sur toutes les compétences que nous considérons comme essentielles dans les entreprises quelque soit les métiers occupés, au 21e siècle.

Et peux-tu te présenter toi aussi, en quelques mots ?

Je m’appelle Pierre Monclos, je suis depuis 6 ans chez Unow. J’ai deux métiers. D’un côté, je suis le DRH d’une entreprise de 40 personnes. Et je suis également expert en Digital learning, je fais de la veille sur les évolutions technologiques et réglementaires qui impactent la formation. Ce qui est bien, c’est que ces deux métiers se renforcent l’un l’autre !

Avant de parler de ton projet RH, peux-tu nous dire comment a été vécue la crise sanitaire chez Unow ?

Au moment de l’annonce du confinement, je t’avoue que nous avons tous eu peur. Peur de perdre certains contrats avec des grands groupes, notamment ceux dont le secteur a été très impacté par la crise.

Mais très rapidement, nous nous sommes rendus compte que 90% des organismes de formation en France sont habitués au présentiel. Ce n’était pas du tout la norme le digital, beaucoup ont dû fermer. Mais les entreprises devaient toujours former leurs collaborateurs ! Et très peu d’acteurs pouvaient proposer autant de formations à distance que nous.

Au bout de 3 semaines, nous avons eu un pic de “tout” : notoriété, business, interviews…..Ce fut une période assez particulière car au dehors c’était la crise mais en interne nous vivions ce boom. Notre mission a eu encore plus de « sens ». Cela s’est ressenti très fortement dans les équipes, avec un super niveau d’engagement.


Parlons maintenant de ton projet autour du CPF. Peux-tu déjà me parler de la genèse de celui-ci ?

C’est déjà le sujet plus large de “l’organisation apprenante”. L’idée que j’ai toujours eu en tant que DRH est la suivante : nous sommes un organisme de formation. Les gens qui viennent chez nous ont une vraie appétence pour apprendre.

Or un événement a été un vrai choc il y a 3 ans. Nous avons eu une démission de quelqu’un que nous souhaitions voir rester. La raison qu’il m’a donnée : « Je me plais ici, mais je n’apprends plus rien ». Ce fut un vrai choc ! On pensait être à la hauteur et en avoir fait un axe fort. C’est même lié à notre mission, c’est notre responsabilité sociétale. Notre CEO aussi est très attaché à ça.

Donc nous ne voulions pas faire 2,3 choses de manière descendante. Seul ⅓ des collaborateurs ont le réflexe naturel de se former et d’apprendre pendant le temps de travail. Mais nous voulions nous adresser à tous. Et trouver l’équilibre entre responsabilisation individuelle et proposition de notre part.

Nous avons mis en place quelques projets : par exemple, un nouveau rituel simple : nous faisons venir des personnes « inspirantes » pendant 1 heure, pour parler de leur parcours, partager leurs expériences. Des fondateurs de start-up, des DRH de grandes entreprises….C’est convivial…mais obligatoire pour tous ! Les directeurs et le CEO sont là pour montrer importance et c’est devenu un rituel.

Venons-en à ton projet autour du CPF. Comment as-tu eu l’idée d’utiliser ce dispositif ?

Ce sont d’abord nos clients qui nous en ont parlé ! Les salariés ne savent pas l’utiliser…ou même qu’il existe. Et ce n’est pas dans la culture française, d’habitude c’est très descendant, ton entreprise te dit tu as le droit à cela, tu fais partie de telle action collective….

Dans l’optique de favoriser l’autonomie et la responsabilisation des collaborateurs, je trouvais que le CPF pouvait être un bon outil. Le challenge était important car nous voulions aussi laisser le choix des formations, pour désacraliser le sujet. Il y avait aussi un vrai verrou à faire sauter : la validation du RH et manager.

Peux-tu me décrire l’accord en question ? En quelques mots puis plus en détails.

L’accord a pour objectif d’aider les collaborateurs à initier des projets de formation, dans laquelle l’entreprise va investir, qui va servir leurs objectifs professionnels… et aussi personnels !

Plus en détails, le choix de la formation est laissé au collaborateurs, à la seule condition qu’il y ait un rapport direct ou indirect (des compétences transversales, comme la gestion du stress, la communication….) Si cela sert chez nous tant mieux, sinon on sera ravis d’avoir contribué à votre évolution professionnelle !

2 chiffres simples ensuite :

Pour aider, à chaque fois qu’un salarié mobilise le CPF, on rajoute 200 euros. Peu importe le coût de la formation. Et sans « contrepartie » ou aucun accord stipulant par exemple que le salarié ne parte pas avant X mois.

Les collaborateurs peuvent suivre jusqu’à 14 heures, soit 2 jours donc, de formation sur leur temps de travail. Sans poser des congés, par an.

Le process est simple. D’abord, j’en parle à mon manager, sans avoir à lui demander un accord, avec une discussion ouverte. Comme pour le recrutement, on laisse les managers en première ligne, en restant en support. Puis le collaborateur vient voir les RH et nous facilitons au maximum l’aspect « technique », administratif, nous pouvons les conseiller dans le choix des formations voire même leur créer leur compte CPF pour eux si cela les bloque.

Quelles ont été les difficultés que tu as rencontrées ?

Il a fallu convaincre les managers. Qui m’ont d’abord dit “il va apprendre l’anglais par exemple, alors qu’il n’en a pas besoin dans son job?!”

Cela s’est fait en 2 temps. L’an dernier, il y avait d’autres priorités RH qui passaient avant la formation. Puis une fois passées ces priorités, je suis revenu dessus et le collège des managers, qui avait un peu changé, a donné son plein accord. Ensuite, avec le confinement, nous avons dû faire une pause, mais l’accord a été créé et signé avec le CSE en 1 mois. Le confinement a donc plutôt ralenti le mouvement, qui été initié depuis plus longtemps.

Merci beaucoup Pierre pour ton temps et tes réponses !

Merci à toi surtout pour cette opportunité d’interview.


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