Gestion des talents

La lutte contre le turnover grâce à une politique RH axée sur les parcours de carrière

Interview de Thierry Magrangeas, ex-Directeur Général de GE Corporate Finance Bank.


Bonjour Thierry, tout d’abord merci d’avoir accepté cette interview. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour je suis Thierry Magrangeas. J’ai 25 ans d’expérience dans des postes de direction et des fonctions d’administrateur, en France et à l’étranger, dans les services financiers. J’ai notamment été Directeur Général de GE Corporate Finance Bank.

Lorsque l’on s’est rencontrés, vous nous avez immédiatement parlé de l’importance de proposer des perspectives de carrière pour fidéliser les collaborateurs et réduire les risques de turnover. Pouvez-vous nous en dire plus?

Tout à fait ! J’aimerais revenir sur une expérience qui illustre bien cet aspect. J’ai été à un moment donné Directeur d’un département « front office » d’une centaine de personnes, dans une entreprise leader sur son marché.

Une société étrangère a voulu s’implanter en France. Pour construire rapidement ses équipes, elle a notamment commencé à contacter nos collaborateurs, en mettant en avant deux arguments : une rémunération avantageuse, et la possibilité de participer à la création et au développement d’une nouvelle entreprise.

Nous avons eu alors à faire face à un fort turnover, puisqu’en quelques mois, une quinzaine de collaborateurs nous ont quittés, alors qu’auparavant les départs  étaient rares. Et le risque que le turnover se poursuive était élevé….

Face à cette arrivée et à ce turnover comment avez-vous réagi ?

Modifier notre politique de rémunération ne nous paraissait pas être la bonne piste sur la durée. Nous avons opté pour la remise à plat de notre mode de gestion des carrières, en incluant tous les échelons.

Après analyse, deux points faibles sont particulièrement ressortis : le manque de visibilité des collaborateurs sur leurs possibilités d’évolution à moyen et long terme, et une mobilité faible, que ce soit à l’intérieur du département ou avec les autres départements de l’entreprise.

Nous avons donc décidé de réorienter notre politique carrière sur plusieurs axes :

  1. Mieux identifier qui étaient nos talents. Nous nous sommes notamment assurés que lors des entretiens annuels, les managers étaient sensibilisés sur ce sujet, et identifiaient bien les collaborateurs et collaboratrices ayant un fort potentiel de développement et d’évolution. Nous avons ainsi retravaillé nos grilles d’entretiens et formé les managers à la conduite de ce type de réunion. Nous avons aussi fait en sorte que si des collaborateurs ou des collaboratrices n’avaient pas été mis en avant lors des derniers entretiens annuels, mais qu’ils ou elles se distinguaient en cours d’année, on n’attende pas le cycle annuel pour considérer leur potentiel.
  2. Donner une vraie visibilité sur les possibilités en termes d’évolution et de parcours de carrière. A titre d’exemple, pour les collaborateurs ou collaboratrices ayant de forts potentiels d’évolution, nous avons bâti des parcours en proposant des évolutions de poste à court et moyen terme, avec des points d’étapes réguliers et un accompagnement adéquat, incluant par exemple des formations spécifiques.
  3. Une autre façon d’identifier les collaborateurs et collaboratrices à potentiel et de leur permettre d’accroître leur champ de compétences, a été de proposer à des membres de nos équipes de gérer des projets spécifiques en parallèle de leurs activités quotidiennes, en leur donnant une forte visibilité. En fonction des projets certains avaient une exposition maximale, jusqu’à des présentations en comité de direction par exemple. Renforcer la mobilité , tant entre les différentes équipes composant le département, qu’avec d’autres Directions de l’entreprise lorsque c’était possible.

Avez-vous également travaillé sur ces sujets avec les autres départements de votre entreprise?

Oui, bien sûr. Difficile d’être efficace ou crédible pour gérer ses talents si on fonctionne en silos ! Nous avons notamment fait en sorte que passer d’une direction à une autre soit facilité, lorsque les profils des personnes et le contenu des postes le permettaient.

Nous avons également organisé des « tours » pour les nouveaux arrivants : à leur arrivée, les nouveaux collaborateurs recevaient un programme de rendez-vous avec des responsables des différentes directions, qui présentaient leurs activités et celles de leurs équipes respectives. Une excellente façon de mieux comprendre comment fonctionne l’entreprise, de savoir qui fait quoi… et de commencer à percevoir vers quel domaine on pourrait évoluer à terme !

Quels ont été les plus gros freins rencontrés dans cette mise en place ?

Il n’y a pas eu de véritables freins, car tout le monde était motivé pour faire évoluer les choses. Nous avons cependant dû faire attention à deux points en particulier :

  • Nous avons dû veiller à ce qu’il n’y ait plus de fonctionnement en silos, que ce soit au sein du département ou dans les relations entre les différents départements. C’est un travail de tous les jours, qui se fait sur la durée.
  • La technicité de certains métiers, et les spécificités des compétences associées, ne nous permettaient pas d’ouvrir l’ensemble des métiers à la mobilité.

Quels résultats avez-vous pu mesurer à l’issue de cette mise en place ?

Le turnover a chuté très rapidement, en fait dès les premiers mois qui ont suivi la mise en place des changements. Les changements ont également impacté la culture de l’entreprise, en accroissant notamment la capacité à s’adapter à un environnement extrêmement évolutif.

Sur la durée, à divers échelons, l’entreprise a pu s’appuyer sur de nouvelles générations de managers figurant parmi les talents et potentiels initialement détectés…et fidélisés !

Je vous remercie pour ce témoignage ! Merci beaucoup Thierry, à très bientôt !

Merci Jonathan, à bientôt !


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