Digitalisation de la formation

Digitaliser ses formations dans le secteur de la santé

Murielle, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Murielle Tonneau, je travaille à l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France (ISTNF) depuis presque 20 ans. Mon parcours est plutôt atypique, puisque je me destinais à la recherche universitaire dans le domaine des sciences et vie de la terre. En licence je me suis dirigée dans le champ du sanitaire et social puis vers un DESS de droit et santé, où j’ai pu y découvrir et apprécier le milieu de la santé au travail grâce à mes diverses expériences en stage.

À l’issue de mes stages, je suis rentrée à l’Institut de santé au travail, j’ai commencé en tant que chargée de projet puis responsable projet. Je suis maintenant responsable du Pôle formation depuis 12 ans. L’ISTNF disposait d’un secteur formation depuis 1989, cependant il n’était plus exploité. On m’a donc proposé de redévelopper cette activité.

Très bien, et que représente la formation à ISTNF en matière d’effectif ?

Le Pôle formation est un petit secteur, l’équipe est composée de cinq personnes. Nous avons une assistante administrative et commerciale, un logisticien, une documentaliste, un ingénieur de formation, et moi-même responsable de ce pôle.

Concernant nos apprenants, nous oscillons entre 1300 et 1500 stagiaires par an, uniquement des professionnels de santé, des médecins du travail, des infirmières santé-travail et assistant de santé du travail.

Quelques mots sur l’ISTNF ?

L’ISTNF est une association loi 1901 créée en 1946, basé dans les Hauts-de-France. L’organisation a su se développer et s’adapter avec son temps. Actuellement, nous développons nos activités autour de 3 axes :

-       L’information et la communication via notre site istnf.fr pour la valorisation des actions et des acteurs du milieu de la santé au travail.

-       L’animation régionale qui consiste à accompagner les services de santé au travail dans le développement et la mise en place d’actions de prévention collectives (addictions, maintien en emploi, risques professionnels etc.)

-       Et nous, la formation des professionnels de santé au travail. Contrairement aux deux autres axes, nous exerçons sur tout le territoire national et les départements d’Outre-mer si nécessaire.

Quelle est la mission principale de l’ISTNF en tant qu’association ?

La mission principale de l’ISTNF est d’aider et d’accompagner les services dans la montée en compétence de leurs équipes pour mieux conseiller les entreprises mais aussi de les accompagner dans l’évolution des pratiques professionnelles dues aux transformations de l’emploi et des conditions de travail dans une logique de pluridisciplinarité.

Nous avons une vue globale de L’ISTNF, désormais concentrons-nous sur votre pôle : la formation. Quel était initialement votre fonctionnement avant les bouleversements liés du Covid19 et votre digitalisation ?

Notre fonctionnement était très classique pour un organisme de formation, un catalogue de formation était proposé avec des stages réalisés en inter ou en intra selon les demandes des clients, toujours en présentiel. Nos formateurs étaient et sont toujours des professionnels de terrain, qui se sont spécialisés dans un ou plusieurs domaines et qui assurent la formation parallèlement à leurs missions. Le modèle était efficace avec des formateurs et des apprenants satisfaits. Le présentiel était très ancré dans l’organisation, les acteurs de santé ont tous eu des formations universitaires en présentiels, les différents métiers de santé nécessitent un contact avec les salariés et beaucoup de pratique.

La crise sanitaire marque-t-elle une rupture avec le modèle initial ?

Non, nous avions déjà commencé à faire évoluer nos processus de formation. Nous avons entamé une réflexion avec certains de nos formateurs sur une approche différente et plus moderne. Ils souhaitaient faire évoluer les formats et digitaliser les formations.

Pour ce faire, un petit film a été réalisé sur la thématique des risques psychosociaux afin de présenter les concepts généraux. Les retours étaient très positifs, les stagiaires arrivaient désormais en formation présentielle avec les connaissances basiques et des notions de vocabulaire essentielles. La relation entre le formateur et les apprenants à évoluer et les temps en présentiel étaient plus axés sur des échanges de pratiques et les retours des stagiaires.

L’intégration de la vidéo au parcours de formation a donc été un réel plus, les sessions en présentielle étaient plus productives et les stagiaires gagnaient en confort en pouvant apprendre à leur rythme.

Aviez-vous une volonté d’accélérer la digitalisation de vos formations avant la crise ?

Pas forcément, nous avions testé l’intégration de ce module sur une population d’infirmier, ces derniers nous semblaient plus réceptifs aux nouveautés. Lorsque nous avons questionné les médecins au sujet de l’incorporation d’outils digitaux dans leurs formations, nous avons fait face à plus de réticence. Ils ne comprenaient pas l’intérêt de ce type d’apport et craignaient de ne pas pouvoir échanger avec les formateurs sur des situations concrètes et leurs problématiques. Nous avons donc décidé d’intégrer la digitalisation de nos formations petit à petit.



Et la crise est arrivée… Comment avez-vous géré vos formations lors de cette période particulière ?

C’était la panique à bord… Une partie de nos formations est liée avec l’université, nous assurons des parcours longs, un niveau licence ce qui représente près de 360 heures. La priorité était de permettre à nos apprenants de finir leur année universitaire. Des dispositifs ont été mis à notre disposition, les enseignants ont pu assurer leurs cours par visio, en classe virtuelle dès fin mars. Beaucoup de questionnements se sont posés, nous n’avions aucun recul sur cette modalité mais nous n’avions pas le choix.

Tous les autres cursus de formation ont été totalement suspendus. Nous sommes partis du postulat que la situation sanitaire était provisoire malheureusement les confinements se sont répétés. La solution était de proposer des formations phares via la classe virtuelle en transposant nos contenus présentiels en distanciels, cependant nous avons pu découvrir les limites de la zoomification.

Concernant les acteurs de la santé au travail, quelques organisations et entreprises étaient encore en activité durant les confinements, les médecins se relayaient pour continuer les visites et les suivis. Leurs missions étaient principalement de répondre aux besoins des entreprises vis-à-vis de la situation sanitaire. Il y a donc eu une certaine continuité de l’activité de l’ISTNF mais la formation n’était pas la priorité.

Très bien, pouvez-vous m’en dire plus sur les problèmes rencontrés avec la classe virtuelle ?

Nous avons pu apercevoir que chacun n’était pas forcément bien équipé pour réaliser des classes virtuelles, au niveau du matériel (caméras, micros) mais surtout au niveau de la connexion internet. Les formateurs, novice dans ce domaine, peinaient à gérer les différents bugs, ils devaient sans cesse accepter des stagiaires et gérer les divers problèmes tout en réalisant leurs cours.

Dès juin, nous avons arrêté la diffusion de ses formations car les questionnaires de satisfaction démontraient que le fond de la formation était apprécié par les stagiaires mais la classe virtuelle dérangeait beaucoup. Les retours des apprenants étaient très négatifs impliquant une baisse d’activité due aux reports des formations dans l’attente d’une reprise du présentiel.

Il était nécessaire de réagir, nous devions trouver un format plus professionnel pour pouvoir réellement développer des formations en digital.

Alors qu’avez-vous mis en place pour digitaliser vos formations sans les « zoomifier » ?

Pour répondre à une demande d’un Service, nous avons sollicité le pôle Droit Santé Travail de l’ISTNF afin de trouver une solution plus adaptée. La difficulté résidait principalement dans l’adaptation du contenu présentiel en distanciel. Nous avons donc décidé de tester une formation « mixte » en transformant les longues heures de classes virtuelles en 2 capsules vidéo.

L’une était administrée dès le début de la formation et l’autre deux semaines après la validation du premier module. Par la suite, une classe virtuelle était organisée dont l’unique objectif était de répondre aux questions des apprenants. La mise en place de cette formation en blended-learning a été plutôt réussie, les retours étaient bien meilleurs que pour les classes virtuelles. N’ayant pas les compétences assez développées en interne nous avons décidé de poursuivre la digitalisation de nos formations avec un organisme spécialisé.

Après la rencontre avec Flowbow, quel cheminement avez-vous mis en place pour digitaliser vos formations ?

Nous avons soumis le projet au conseil d’administration afin d’obtenir leur adhésion. L’enjeu de cette collaboration était double. D’une part, nous devions nous former dans le but de devenir autonome sur la conception et l’animation de parcours blended.

D’autre part, nous avons mis en place une formation test avec Flowbow pour tester ce fonctionnement sur nos apprenants. L’objectif était de convaincre notre population concernant la plus-value apportée par le format blended.

Chaque année un comité scientifique et pédagogique est organisé autour de la formation. Pour cette occasion nous avons présenté un premier jet de la digitalisation. Les collaborateurs étaient initialement réticents, la classe virtuelle étant la seule modalité possible selon eux. Le but était de les convaincre, de leur montrer la multitude de modalité possible et leurs avantages pédagogiques.



Je comprends donc que la priorité était de convaincre les différents acteurs, à quelles résistances avez-vous du faire face ?

La peur principale concernait l’adhésion des apprenants, en effet le présentiel était très implanté dans notre fonctionnement et l’échec de la zoomification n’a rien arrangé. Les coûts étaient bien sûr une source de résistance pour la direction, cependant nous avons réussi à les convaincre assez rapidement car le besoin était réel. La dernière réticence dont nous avons dû faire face était celle des formateurs. Ces derniers devaient complètement modifier leurs pratiques et adapter leur contenu pour ce type de formation.

Comment avez-vous procédé pour faire face à ces résistances et convaincre en interne ?

J’ai tout d’abord préparé mon argumentaire sur les avantages qu’engendrait la digitalisation de nos formations. J’ai mis en avant des arguments tels que l’optimisation du temps d’apprentissage ainsi que la variété des modules possibles. J’ai aussi beaucoup insisté sur l’utilisation de classes présentielles dans nos parcours de formation car les principales craintes concernaient l’échange entre les formateurs et les apprenants.

Lors de la présentation du projet avec la direction j’ai pu éveiller leur curiosité. Afin d’illustrer mes propos, nous avons travaillé avec Flowbow sur un schéma global de formation alliant des modules en présentiel et en distanciel. De plus, j’ai pu réaliser la démonstration du premier module digitalisé de la formation.

Le projet a beaucoup plu, la direction a pu découvrir l’aspect ludique des modules et la simplicité de l’outil pour l’apprenant. Cette formation va donc être mise en route dès novembre.

Pour conclure, quelles astuces donneriez-vous aux personnes souhaitant se lancer dans la digitalisation de leurs formations ?

Il est essentiel d’échanger avec les différents acteurs et ne pas leur imposer mais démontrer la plus-value de la digitalisation pour la montée en compétences des apprenants. Il faut inclure les formateurs dès le début du projet pour qu’ils puissent découvrir la facilité d’utilisation et les avantages pédagogiques des modules par eux-mêmes.

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