Nous avons le plaisir d'ouvrir le programme de La Fondation Flowbow, une initiative qui vise à aider les associations d'intérêt général à digitaliser leurs accompagnements ainsi que leurs formations. Pour ouvrir le bal de cette nouveauté, nous avons le plaisir de travailler avec l'association Balance Ton Stage, co-créée par Camille & Agathe que nous avons interviewées.
Camille, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Camille, j’ai 23 ans, je suis étudiante en dernière année à l’EM Lyon après une classe préparatoire. J’ai co-créé avec deux camarades l’association Balance Ton Stage qui vise à sensibiliser et former contre le sexisme qui affecte les populations étudiantes et je suis actuellement en stage dans un cabinet de conseil, de formation et de sensibilisation aux questions de diversité et inclusion en entreprise : Goods to Know.
Agathe, peux-tu également te présenter rapidement ?
Je suis Agathe, je suis étudiante en double diplôme entre Sciences Politiques Lyon et l’EM Lyon. J’ai actuellement 23 ans et j’ai créé avec Camille et Simon l’initiative Balance Ton Stage qui était quelque chose d’inattendu, ce n’est pas quelque chose que nous avions prévu de créer, cela s’est fait par notre expérience personnelle et par le fait que nous sommes partis, tous les trois, d’un constat.
Pouvez-vous me raconter l’étincelle qui a fait que vous avez créé Balance Ton Stage mais également l’étincelle commune ?
Camille : Nous nous sommes rencontrées à l’EM Lyon, lors de notre premier stage en entreprise puisque nous avons effectué le même stage à l’étranger dans la même entreprise, une entreprise française. C’est à ce moment-là que nous avons été toutes les deux victimes et témoins principalement de ce qu’on appelle le sexisme ordinaire.
Lorsque nous avons mis les mots sur ces actes, nous avons commencé à en parler aux étudiants autour de nous et nous nous sommes rendu compte que nous avions des retours similaires voire plus graves. Cela pouvait aller jusqu’à de l’harcèlement sexuel ou des agressions sexuelles. Nous avons remarqué qu’il y avait vraiment un problème, qu’il fallait agir.
Nous avons discuté avec différents témoins et victimes et avons créé un recueil de témoignages afin de libérer la parole à ce sujet. En revenant sur le campus nous nous sommes lancées là-dedans avec Simon, un très bon ami, qui était également sensibilisé à ce sujet et avons rédigé un manuel de sensibilisation : Le manuel du petit sexisme en entreprise et comment le combattre. Le but est de donner des clés concrètes aux étudiants tout en les illustrant par des témoignages d’étudiants afin de pouvoir s’identifier à travers les expériences des autres.
Nous avons créé un compte Instagram pour diffuser notre manuel à partir de citations « choc », il y a eu un engouement médiatique qui nous a fait gagner en visibilité au-delà de notre école. C’est à partir de là que nous avons commencé à recueillir des centaines de témoignages.
Qu’est-ce que vous entendez plus précisément par « sexisme ordinaire » ?
Camille : Lorsque nous parlons de sexisme ordinaire cela se réfère à des blagues, des remarques, certains comportements… Cela va être par exemple des remarques comme « Cette fille est plutôt mignonne, et elle travaille dans un milieu d’hommes c’est normal qu’elle réussisse. » ou bien d’une cliente qui va être un peu plus compliquée cela va se traduire par une remarque comme « Oh bah celle-là elle est vraiment mal b**sée ! ».
Qu’est-ce qui a fait que ce déclic vous a fait vous rendre compte toutes les deux que c’était plus grave que ce que vous pensiez ?
Camille : Le déclic a été cet échange très conflictuel et très violent avec ce manager en question et c’est vraiment à ce moment-là que, moi, j’en ai parlé à Agathe en lui disant que cela avait été trop loin. Et c’est à ce moment-là que nous avons mis un mot sur ces actes de sexisme.
Quelqu’un vous a aidé à poser ce mot là ou vous l’avez trouvé toutes seules ?
Camille : Non, car nous étions déjà assez sensibilisées aux questions de sexisme, d’égalité entre les femmes et les hommes, nous en discutions déjà avant, nous connaissions déjà les termes à ce sujet mais ce n’était pas quelque chose qui nous touchait directement, jusqu’à ce jour.
Agathe : Je pense que si nous avions été placées d’un point de vue extérieur nous aurions directement placé les mots dessus et nous nous serions plus rapidement formalisées. Lorsque l’on est dans le contexte du travail et seulement là pour quelques mois, que l’on n’a pas forcément beaucoup d’expérience, on peut mettre du temps à s’en rendre compte et ainsi à mettre des mots sur ces expériences. Pourtant nous savions très bien ce qu’était le sexisme et ce que cela impliquait, c’était quelque chose qui nous intéressait beaucoup.
POuvez-vous décrire Balance Ton Stage en quelques mots ?
Camille : Balance Ton Stage c’est l'histoire de 3 étudiants qui ont créé une association pour pouvoir agir et sensibiliser les étudiants en école mais aussi au sein des entreprises pour leur donner les clés pour identifier, se protéger et réagir en tant que victime ou témoin au sexisme. Nous nous engageons également auprès d’administrations, de services des stages, de services carrière, de responsables de stage. Ainsi que dans les entreprises au niveau des ressources humaines, des tuteurs et tutrices de stage, les responsables RSE diversité et inclusion.
Aujourd’hui, si je dois prendre une photo de Balance Ton Stage, qu’est-ce qui ressortirait ? combien d’étudiants et de professionnels sensibilisés et accompagnés ? Quels types d’action ?
Camille : Nous réalisons plusieurs types d’actions :
- Des actions de libération de la parole sur Instagram par le biais de recueils et de diffusions de témoignages que nous allons décrire de manière pédagogique pour transmettre des messages clés.
- Il y a également des actions de sensibilisation et de formation à travers des webinaires ou en présentiel au sein des écoles et des entreprises pour donner des clés aux étudiants afin d’identifier le sexisme et ainsi savoir comment s’en protéger et réagir.
- Nous menons, de plus, des actions de conseil auprès des écoles principalement, sur la mise en place de plan d’action dans l’objectif de protéger leurs stagiaires, surtout sur la partie prévention avant que l’étudiant parte en stage, mais aussi savoir comment recueillir sa parole s’il lui arrive quelque chose et dans ce cas-là comment l’accompagner et le rediriger vers les bonnes personnes.
Agathe :
- Nous avons également un rôle de plaidoyer. Nous avons été en contact avec deux ministères, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’égalité homme-femme. Nous avons participé à la construction d’un plan d’action national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles auprès du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
- Nous accompagnons aujourd’hui une petite dizaine d’écoles et une dizaine d’entreprises également, et en ce qui concerne notre compte Instagram, nous avons un peu plus de 20 000 abonnés.
Pouvez-vous me décrire une réussite dont vous êtes particulièrement fières ?
Camille : Avec du recul je pense que c’est le fait que nous ayons réussi à soulever une problématique et un besoin des étudiants et d’être allées jusqu’à être auditionnées par le ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre de la rédaction d’un plan de lutte national.
Surtout du fait qu’ils prennent en compte les périodes passées en dehors des campus, que ce soit en stage ou en alternance, d’avoir été auditionnées sur cette partie m’a fait prendre conscience que s’il n’y avait pas eu cette initiative, toute cette partie sur les stages n’aurait peut-être pas été prise en compte et aujourd’hui il y a une reconnaissance nationale de ce problème. J’ai l’impression que nous avons réussi à montrer la nécessité ainsi que l’urgence d’agir sur ce problème qui n’avait pas été abordé. Je suis fière d’avoir soulevé ce sujet et d’avoir pu être porte-parole de milliers d’étudiants et le fait que ce soit pris en compte dans des plans de lutte nationaux, je trouve ça dingue.
Agathe : Nous avons identifié un besoin, et nous avons créé quelque chose de nouveau en réponse à ce besoin.
Pouvez-vous me donner les éléments clés qui ont fait que le projet a été une réussite ?
Agathe :
- Le travail, c’est-à-dire la quantité de temps que nous avons mis sur cette initiative, nous avons passé beaucoup de temps à créer et développer notre initiative. Nous n’avons jamais laissé une opportunité passer : dès qu’un journaliste voulait nous interviewer nous avons dit oui, dès que nous pouvions intervenir quelque part, nous y sommes allées.
- L’amitié, c’est beaucoup plus facile de travailler avec des personnes avec qui nous nous entendons, tout a été naturel dès le début et sans aucun conflit.
- Savoir bien s’entourer, depuis le début, nous avons été accompagnées par des personnes hyper bienveillantes. Nous avons toujours été bien conseillées et accompagnées, il ne faut pas craindre de demander de l’aide pour quoique ce soit.
En acceptant de vous faire aider par Flowbow, sur quel projet allez-vous travailler et quelles sont vos attentes par rapport à cette collaboration ?
Agathe : Nous avons eu la chance de vous rencontrer et de se demander ce que nous pourrions faire tous ensemble et nous sommes ravies de rejoindre la fondation. Nous avons identifié le besoin de digitaliser nos formations, car nous sommes présentes à toutes les formations et cela demande beaucoup d’investissement en termes de temps et d’énergie.
Nous nous sommes rendu compte que ce serait intéressant et pertinent de trouver un moyen d’intervention qui serait adapté au digital tout en ayant un lien fort avec l’apprenant et une sorte d’interaction dans le sens où l’apprenant peut vérifier qu’il a bien compris ce qui est expliqué. C’est pourquoi nous avons pensé au blended learning. C’est une expertise que nous n’avons pas mais que, vous, vous avez.
Nous voulons créer ce parcours à destination des écoles, le principe est que lorsqu’une école s’engagera à faire suivre cette formation à ses étudiants elle fera partie d’une académie, l’Académie Balance Ton Stage, qui aura un label afin qu’elles soient reconnues. L’idée serait d’élargir ces formations à d’autres types d’apprenants, d’autres formes d’apprentissage par rapport à la position dans l’école ou dans l’entreprise (stagiaire, alternant, employé, tuteur, RH…) et sa sensibilisation à la question.
Ravis de vous avoir à bord du programme "Objectif Fondation" Camille et Agathe !