
Imaginez une formation professionnelle dans laquelle les apprenants ne se contentent pas d’écouter un formateur dérouler son traditionnel PowerPoint, mais prennent la parole, résolvent des problèmes et construisent des connaissances à partir de leur expérience. C’est précisément ce que propose la pédagogie active : une méthode centrée sur l’apprentissage actif, l’interaction, la mobilisation des savoirs et l’intégration de concepts pédagogiques concrets, issus du travail ou du projet de chaque groupe.
Dans cette approche, les apprentissages se font par l’action, en lien avec le contexte professionnel et l’environnement de formation. Les adultes, tout comme les jeunes adultes, ne viennent plus en formation pour “acquérir un savoir académique” : ils cherchent à répondre à des problématiques professionnelles concrètes, à développer des compétences directement applicables dans leur quotidien et dans leur environnement spécifique de travail. Ils s’attendent à participer à des formations qui les engagent, qui les challengent, qui les aident à progresser. Et c’est exactement là que la pédagogie active prend tout son sens et devient pertinente à déployer grâce à plusieurs méthodes.

De l’apprentissage passif à l’expérimentation concrète
La pédagogie active s’appuie sur une idée simple : on apprend mieux en faisant.
Ce processus d’apprentissage est au cœur de nombreuses méthodes pédagogiques contemporaines, comme celle de John Dewey, qui dès 1938 défendait une école de l’expérience. Il insistait sur l’importance de l’apprentissage ancré dans l’action et dans l’environnement réel des apprenants.
Bien loin du cours magistral, la pédagogie active repose donc sur un aller-retour constant entre action et réflexion, théorie et pratique, apprendre et agir. David Kolb a largement contribué à structurer cette approche grâce à son modèle de l’apprentissage expérientiel. Selon lui, apprendre n’est pas un processus linéaire, mais un cycle dynamique fondé sur l’expérience.
Ce cycle comporte quatre étapes interdépendantes, qui s’enchaînent et se répètent :

- L’expérience concrète : tout commence par une situation vécue, un exercice, une tâche ou une mise en pratique. L’apprenant est plongé dans une action réelle, qui suscite des émotions, des réactions, parfois des incompréhensions.
- L’observation réflexive : vient ensuite un temps de recul, où l’on réfléchit sur ce qui s’est passé. Quelles ont été les réactions ? Qu’est-ce qui a fonctionné ou non ? L’objectif ici est de poser un regard critique sur l’expérience vécue.
- La conceptualisation abstraite : l’apprenant met des mots sur ce qu’il a observé, relie son vécu à des théories et de nouveaux concepts apportés par le formateur.
- L’expérimentation active : l’apprenant teste ces nouveaux concepts dans une nouvelle situation. Il ajuste sa pratique, dans son environnement professionnel, en fonction de ce qu’il a appris.
Ce cycle correspond bien aux attentes des apprenants en formation : vivre une situation, en tirer des enseignements, modéliser ce qui a été appris, puis le tester à nouveau dans son environnement professionnel.
Une pédagogie qui respecte l’expérience du terrain
En formation continue, les apprenants sont rarement “vierges” de toute expérience. Ils possèdent déjà un bagage professionnel, des connaissances parfois solides, des pratiques pédagogiques ancrées. La pédagogie active ne balaie pas ces acquis : elle les valorise et les mobilise.
Un formateur qui anime une séquence pédagogique active ne cherche pas à imposer un savoir, mais à créer les conditions favorables pour que les participants, qu’ils soient en groupe, en classe, ou en environnement de travail, puissent faire émerger leurs propres solutions à partir de ce qu’ils savent déjà. L’adulte apprend mieux lorsqu’il comprend l’utilité de ce qu’on lui propose, lorsqu’il est impliqué activement et lorsqu’il peut s’appuyer sur son expérience personnelle (M. Knowles). Ainsi, la salle de formation se transforme en espace de co-construction des savoirs et des savoir-faire.
Un formateur « chef d’orchestre »
Adopter la pédagogie active, c’est aussi, en tant que formateur, accepter de ne plus tout contrôler. Le formateur ne “détient” plus le savoir : il orchestre, il guide, il facilite. Il conçoit des séquences pédagogiques où les interactions sont pensées, mais où l’inattendu a sa place. Il doit savoir gérer le temps, les résistances, les silences, les problèmes et parfois les conflits. Il devient un chef d’orchestre plus qu’un soliste, favorisant l’apprentissage par l’expérience, la réflexion et l’autonomie.
Enfin, la pédagogie active suppose une attention permanente à la dynamique du groupe. Le formateur doit adopter une posture d’écoute, d’agilité, de confiance dans les ressources du groupe d'apprenants. La pédagogie active exige aussi une ingénierie pédagogique fine, car activer l’apprentissage ne signifie pas du tout improviser. C’est tout un art de concevoir une activité où chacun peut contribuer, progresser, expérimenter. Et c’est là que des modalités (classe inversée, présentiel, afterworks, e-learning, social learning, …) et des activités pédagogiques variées (étude de cas, simulations, jeux de rôle, …) prennent tout leur sens.
La pédagogie active : une réponse aux enjeux de la formation d’aujourd’hui
Dans un environnement professionnel où les compétences évoluent rapidement, comme le montre l’avènement de l’intelligence artificielle, il devient essentiel d’apprendre à apprendre, développer son esprit critique, de coopérer, de résoudre des problèmes. La pédagogie active répond à ces enjeux d’apprentissage : elle crée les conditions d’un apprentissage ancré dans le réel, tourné vers l’action, adapté à la pratique professionnelle et capable de répondre aux besoins pédagogiques du terrain.
En intégrant des dispositifs hybrides, mêlant présentiel, distanciel, auto-formation et séquences collectives, elle permet de construire des parcours pédagogiques interactifs, motivants et efficaces pour les apprenants.
En conclusion, la pédagogie active n’est pas une approche de plus. C’est une philosophie de l’apprentissage, une manière de considérer l’apprenant comme un créateur de ressources apprenantes, engagé dans son processus d’apprentissage.
C’est une pédagogie du sens, de l’engagement, de la transformation et du développement des compétences, qui redonne une vraie place à l’expérience, à la réflexion, aux activités concrètes et à la richesse du travail en groupe.
Trois références utilisées pour construire cet article :
Dewey, John. (1938). Experience and Education. New York: Macmillan.
Kolb, David A. (1984). Experiential Learning: Experience as the Source of Learning and Development. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.
Knowles, Malcolm S. (1980). The Modern Practice of Adult Education: From Pedagogy to Andragogy. Englewood Cliffs, NJ: Cambridge Adult Education.
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